Les manifestants de la classe dirigeante continuent pour le deuxième mois au Liban

Des milliers de Libanais ont encore manifesté dimanche à travers le Liban, où la contestation contre la classe dirigeante entre dans son deuxième mois sans solution politique en vue, dans un contexte de craintes financières accrues.
Le pays vit depuis le 17 octobre au rythme d’un mouvement populaire inédit contre une classe politique quasi inchangée depuis des décennies, jugée corrompue et incapable de mettre fin au marasme économique.
Sous le slogan “Dimanche des Martyrs”, en référence aux deux manifestants morts depuis le début de la contestation, des milliers de personnes sont redescendues dans les rues des principales villes, de Tripoli au nord jusqu’à Saïda et Nabatiyé au sud, en passant par Beyrouth.
“Un mois après le début de l’intifada populaire et l’échec de tous les efforts du pouvoir visant à contourner les revendications des manifestants, nous entrons dans une nouvelle phase”, a affirmé Khaled Sabbagh, un manifestant de 26 ans à Tripoli.
“Nous devons barrer la voie aux plans visant à nous diviser et ne pas reculer sur nos revendications (…), quelle que soit la pression exercée, jusqu’à ce que le peuple obtienne victoire”.

Les manifestants, dont le mouvement a entraîné la démission le 29 octobre du Premier ministre Saad Hariri, réclament un gouvernement de technocrates indépendants des partis au pouvoir et l’organisation d’élections législatives anticipées.
Dimanche, le vent du changement s’est fait ressentir avec le succès d’un indépendant lors des élections d’un nouveau bâtonnier à Beyrouth, face à un candidat soutenu par une coalition de partis au pouvoir.
Mais les dirigeants politiques tergiversent toujours autour de la nomination d’un nouveau Premier ministre.
Cette semaine, le nom de Mohamad Safadi, un richissime homme d’affaires de 75 ans et ancien ministre des Finances, a fuité dans la presse au terme d’un accord entre les divers partis au pouvoir.
Cette démarche, qualifiée de “provocation” par les manifestants, a suscité leur colère et poussé l’ex-ministre à renoncer.
Le Premier ministre démissionnaire Saad Hariri a lui accusé dimanche le parti du ministre des Affaires étrangères et gendre du chef de l’Etat, Gebran Bassil, de torpiller la mise sur pied d’un nouveau gouvernement.
Il a indiqué qu’il n’envisageait de conserver son poste –un des scénarios évoqués– qu’en cas de formation d’un cabinet de technocrates.
Le parti de M. Bassil, le Courant patriotique libre (CPL), a aussitôt répondu accusant M. Hariri d’oeuvrer pour que ce soit lui “+et personne d’autre+ qui dirige le nouveau cabinet, et c’est pourquoi, selon le CPL, il tient à un gouvernement de technocrates.
Mardi dernier, le président Michel Aoun a proposé un gouvernement “techno-politique” formé d’experts et de représentants des partis honnis par les manifestants.
Le mécontentement de la rue a été attisé par une phrase en particulier. “Si, au sein de l’Etat, il n’y a personne qui leur (les manifestants) convient, qu’ils émigrent”, avait lancé M. Aoun.

Selon la Constitution, le chef de l’Etat doit procéder à des consultations parlementaires contraignantes à l’issue desquelles il nomme le Premier ministre.
Mais il n’a toujours pas entrepris cette démarche.
“Les ténors du pouvoir n’arrivent pas à trouver un Premier ministre capable de calmer au moins une partie de la rue, et préserver en même temps leurs intérêts”, affirme  le politologue Ziad Majed.
“Ils ne veulent pas introduire des réformes sérieuses qui aillent au-delà d’un sauvetage obligatoire et temporaire de la situation financière alarmante”, a-t-il ajouté.
Dans l’attente d’un nouveau cabinet, les manifestations se poursuivent pour la cinquième semaine consécutive, ponctuées de blocages de routes qui ont donné lieu ces derniers jours à des heurts entre manifestants et militaires, et à des arrestations par l’armée.
Dans sa première déclaration depuis le début du mouvement, le commandant en chef de l’armée, Joseph Aoun (BIEN Aoun), a déploré dimanche ces blocages non “autorisés”.
Le retard mis dans la formation du nouveau cabinet aggrave surtout une situation économique et financière déjà très fragile.
Vendredi soir, l’agence de notation internationale Standard and Poor’s (S&P) a abaissé la note du pays de “B-” à “CCC”, assortie d’une perspective négative. Celle-ci reflète un risque élevé de défaut de paiement.
Le Liban souffre d’un déficit public chronique, ayant atteint plus de 11% du PIB en 2018 et croule sous une dette de 86 milliards de dollars, soit 148% du PIB selon S&P.

En un mois de contestation, les banques ont ouvert seulement une semaine en renforçant les mesures de contrôle sur les retraits, entraînant parfois des heurts avec les clients.
Lundi, elles seront toujours fermées en raison d’une grève annoncée par le syndicat des employés du secteur pour des motifs “sécuritaires”.

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