Démission du Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme





Le Jordanien Zeid Ra’ad Al Hussein, Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme et voix critique de Donald Trump, a annoncé mercredi qu’il ne solliciterait pas un second mandat, en évoquant un “contexte géopolitique actuel” défavorable.
Zeid Ra’ad Al Hussein n’a pas l’intention “de supplier” un second mandat lorsque celui-ci expirera en septembre 2018. Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme a annoncé, le 20 décembre, sa décision de ne pas poursuivre sa mission à ses équipes. Le diplomate estime qu’il lui est impossible de continuer à défendre sans compromission l’universalisme des droits de l’homme au regard de la situation géopolitique mondiale actuelle.
“Si je devais faire cela dans le contexte géopolitique actuel, il s’agirait de supplier un genou à terre, faire un plaidoyer, diminuer l’indépendance et l’intégrité de ma voix – qui est votre voix”, a expliqué le diplomate âgé de 53 ans dans un courriel à son équipe. Lors de sa prise de fonction, il avait déjà estimé que son poste ne devrait être attribué que pour un seul mandat, afin d’éviter pressions et tractations en coulisses.
Ce membre de la famille royale jordanienne a été le premier musulman et arabe à occuper le poste de Haut-Commissaire des droits de l’homme à l’ONU. C’est un fin connaisseur de l’institution. Dans les années 1990, il a participé à la mission d’interposition des casques bleus en ex-Yougoslavie. Puis, en 2000, il est devenu l’ambassadeur de son pays auprès de l’ONU, un poste qu’il a occupé pendant plus de dix ans.
Zeid Ra’ad Al Hussein ne recule pas devant les critiques
Dans le paysage diplomatique, la voix de Zeid Ra’ad Al Hussein est d’une inflexibilité rare. La prestance médiatique de celui que certains surnomment le “chevalier blanc des Nations unies” en a fait quelqu’un de très écouté. Depuis le début de son mandat, le Jordanien n’a jamais hésité à critiquer ouvertement les pays, grands ou petits, où les droits humains fondamentaux cessent d’être respectés.
Il a condamné le massacre des Rohingyas dans la Birmanie d’Aung San Suu Kyi. Il a dénoncé le soutien russe au gouvernement de Bachar-al-Assad. Les Européens n’ont pas échappé à ses critiques.
Dans un discours à La Haye en 2016, il s’en est pris à la française Marine Le Pen, présidente du Front national, au Britannique Nigel Farage, défenseur du Brexit, et au Néerlandais Geert Wilders, chantre d’une droite ouvertement xénophobe, n’hésitant pas à comparer leurs méthodes à celles du groupe État islamique : “À travers son mode de communication, ses demi-vérités, ses simplifications excessives, la propagande de l’Etat islamique utilise des tactiques semblables à celles de ces populistes. Et chaque élément de cette équation profte à l’autre.”
Mais l’extrême-droite n’est pas la seule à avoir reçu ses flèches. À de nombreuses reprises, il s’est inquiété de l’attitude des gouvernements européens face au terrorisme et à la crise migratoire. Dans une interview à la Croix le 18 décembre, il dénonçait “la tendance des autorités, en Europe, à surréagir après des actes terroristes”.
Pour le Haut-Commissaire des droits de l’homme, “le danger pour l’Europe dans la crise des migrants, c’est de nier ses valeurs en ne respectant plus les normes internationales qu’elle a contribué à édifier au lendemain de deux guerres mondiales.”
Désengagement américain sur les droits de l’homme
Zeid Ra’ad Al Hussein a surtout été à plusieurs reprises une voix critique du président Donald Trump. Pendant la campagne électorale américaine, il avait qualifié de “totalement irresponsables” les propos tenus sur les musulmans par le candidat républicain à la Maison Blanche. Le 18 décembre 2017, dans un entretien à l’AFP, il avait mis en garde contre les attaques répétées de Donald Trump visant les médias, qui risquent selon lui de déclencher des violences contre les journalistes.
Devant les employés du département d’État américain, Rex Tillerson avait été clair en mai 2017 : les droits de l’Homme – qu’il qualifie de “valeurs américaines”– sont importants mais pas autant que les intérêts et la sécurité des États-Unis. Donald Trump, peu après son investiture, avait déjà amorcé ce virage en affirmant que la torture était justifiable au nom de la sécurité nationale. Autant de commentaires que Zeid Ra’ad Al Hussein n’a pas manqué de critiquer au moment où Donald Trump multipliait les actes de désengagement des institutions onusiennes.
En octobre 2017, les Etats-Unis se sont retirés de l’Unesco et auparavant, en septembre 2016, du pacte mondial sur les réfugiés et les migrants adopté par l’Assemblée générél des Nations Unies. Le 20 décembre, Donal Trump a lancé un avertissement ferme aux Nations unies, menaçant de couper les financements de son pays, principal contributeur, si l’organisation condamnait la reconnaissance par Washington de Jérusalem comme capitale d’Israël.
Antonio Guterres aurait demandé à Zeid Ra’ad Al Hussein de calmer le jeu
S’il ne mentionne pas directement Donald Trump dans son courriel où il explique sa démission, Zeid Ra’ad Al Hussein aurait reçu, selon Foreign Policy, des pressions de la part du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres pour qu’il modère ses critiques contre le président américain.
Le poste de Haut-commissaire au droit de l’homme, créé en 1993, se veut un poste indépendant par rapport aux intérêts géopolitiques des différents membres, c’est pouquoi celui-ci est nommé directement par le secrétaire générale de l’ONU
Aujourd’hui, le lien entre le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres et Zeid Ra’ad Al Hussein semble distendu. Même si, officiellement, “le Haut-Commissaire a toujours le soutien du secrétaire général,” comme l’a indiqué le porte-parole d’Antonio Guterres, il n’est pas dit que celui-ci ait soutenu un deuxième mandat du Jordanien.


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