La Tunisie résiste au chantage financier européen

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a rendu visite, dimanche, au président Kaïs Saïed, en compagnie des Premiers ministres d’Italie et des Pays-Bas, Giorgia Meloni et Mark Rutte. Elle y a annoncé “une assistance macro-financière qui pourrait atteindre 900 millions d’euros”. Cette aide viendrait s’ajouter à un crédit de 1,9 milliard de dollars du Fonds monétaire international (FMI), dont la négociation patine notamment parce que la Tunisie refuse de restructurer des entreprises publiques.

Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrel, s’est récemment inquiété d’un “risque d’effondrement” de la Tunisie, alors que les finances publiques du pays sont au plus mal. La dette atteint 80% du PIB, l’agence de notation américaine Fitch Ratings a dégradé vendredi la note du pays à CCC- (risque très élevé de défaut).

Gage de sa volonté d’aller vite, l’Union européenne “pourrait fournir une aide supplémentaire de 150 millions d’euros à injecter dès maintenant dans le budget” de la Tunisie, a ajouté Ursula von der Leyen.

Ces montants entreraient dans le cadre d’un “paquet” sur lequel la Commission espère conclure un accord avec la Tunisie avant le sommet européen des 29 et 30 juin. Il prévoit aussi une hausse de l’aide à la Tunisie pour la lutte contre l’immigration clandestine : 105 millions d’euros à dédier à la recherche et au sauvetage de migrants en mer, mais aussi au retour des demandeurs d’asile tunisiens déboutés en Europe.

Les experts tunisiens ont estimé que l’Union européenne exerce une sorte de pression sur la Tunisie afin de résoudre la crise migratoire qui sévit dans les pays européens.

La Tunisie est à la fois un pays de transit migratoire et un pays d’exil. L’an dernier, quelque 18.000 Tunisiens étaient arrivés dans l’UE, formant la 3e nationalité de demandeurs, devant les Égyptiens et les Syriens, selon les chiffres de l’Organisation internationale des migrations.

Éviter l’effondrement économique du pays, pourrait donc aussi avoir un effet sur le nombre de candidatures à l’émigration vers l’Europe. Au-delà de l’aide macro-financière, l’Europe mise sur d’importants projets d’infrastructures dans le pays. Elle prévoit ainsi d’investir plus de 300 millions d’euros dans le projet d’interconnexion électrique Elmed, qui doit relier la Tunisie à l’Italie et permettre à la première de vendre de l’électricité verte aux Européens. Un projet de “pont digital” est aussi en préparation – le câble sous-marin Medusa doit connecter onze pays d’ici à 2025. L’Union ouvre aussi une “fenêtre” à la Tunisie sur le programme Erasmus, finançant des échanges étudiants.

La Première ministre italienne d’extrême-droite Giorgia Meloni s’est dite satisfaite de ce plan, alors que son gouvernement s’inquiète d’une nouvelle augmentation des arrivées de personnes migrantes depuis la Tunisie, dont les côtes sont situées à 141 km de l’île de Lampedusa. Depuis le début de l’année, l’Italie a vu arriver quelque 26.000 demandeurs d’asile, et près d’un millier ont disparu dans des naufrages.

Mais l’enveloppe tendue au régime de Kaïs Saïed a aussi provoqué des réactions d’indignation. “Après Erdogan, un autre autocrate à qui nous tentons de sous-traiter nos problèmes de migration… Une UE incapable de et réticente à gérer ses propres frontières est une honte”, a réagi l’ex-Premier ministre belge Guy Verhofstadt, eurodéputé libéral (Open Vld).

L’Union européenne espère conclure avec la Tunisie, d’ici à la fin juin, un accord comportant une aide financière d’un milliard d’euros pour aider le régime à se stabiliser financièrement. Le soutien est conditionné à la conclusion d’un accord entre Tunis et le Fonds monétaire international (FMI) pour un autre prêt, dont le gouvernement tunisien refuse, pour l’heure, les contreparties.

L’ensemble vise à stabiliser le pays, qui traverse une grave crise économique. Il doit contribuer à réduire la pression migratoire sur l’Italie, alors que les Tunisiens sont l’une des premières nationalités demandant l’asile en Europe.

Les experts ne s’attendent pas à ce que la Tunisie accepte tous les diktats que le Fonds monétaire international et les pays européens tentent de lui imposer.L’économiste tunisien Hassan Bali estime que la solution à la crise est de réaliser une percée dans le dossier économique, afin que le pays peut agir avec la logique de la force.

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