Les Algériens votent pour élire le président

Les Algériens sont appelés aux urnes, jeudi, pour élire leur président, alors que le pays est en proie à une contestation contre le pouvoir depuis dix mois. Le scrutin, fermement rejeté, est qualifié de “mascarade” par le mouvement antirégime Hirak.

Après pratiquement dix mois d’une contestation populaire massive et inédite, les Algériens sont appelés aux urnes, jeudi 12 décembre, afin d’élire un successeur à Abdelaziz Bouteflika, dans une présidentielle perçue comme une manœuvre de survie du régime.

Les bureaux de vote ont ouvert à 8 h locales (7 h GMT) et fermeront leurs portes à 19 h (18 h GMT), heure à laquelle aucun chiffre ne devrait être disponible. Lors des précédents scrutins, le taux de participation avait été communiqué tard dans la soirée, et les résultats annoncés le lendemain. En fonction du résultat, un second tour pourrait avoir lieu dans les prochaines semaines.

Certes, pour la première fois depuis vingt ans, le nom d’Abdelaziz Bouteflika ne sera pas sur les bulletins de vote, mais le Hirak, mouvement antirégime né le 22 février, reste fermement opposé à ce scrutin que le pouvoir, aux mains de l’armée, veut organiser coûte que coûte. Et ce, alors que les cinq candidats (Abdelaziz Belaïd, Ali Benflis, Abdelkader Bengrina, Azzedine Mihoubi et Abdelmajid Tebboune) sont tous perçus par la contestation comme des enfants du “système”.

Le mouvement dénonce une “mascarade électorale”, exige plus que jamais la fin de ce “système” au pouvoir depuis l’indépendance en 1962 et le départ de tous ceux qui ont soutenu ou pris part aux vingt ans de présidence d’Abdelaziz Bouteflika, contraint à la démission en avril.
Le 6 décembre, la dernière manifestation hebdomadaire avant l’élection, a rassemblé une foule monstre, montrant l’étendue du rejet. Et, à moins de 24 heures du scrutin, des milliers de manifestants ont encore affiché, mercredi, leur détermination à Alger aux cris de “Pas de vote !” Ils ont forcé un important dispositif de police qui n’a pu les disperser qu’en chargeant violemment.

Faute de sondages en Algérie, il est difficile de prévoir quelle part des 24 millions d’électeurs iront voter, dans un pays où la participation est déjà traditionnellement faible. Mais la plupart des observateurs s’attendent à une abstention massive.
Les bureaux de vote des consulats algériens de l’étranger, où le scrutin a commencé samedi, ont donné une indication : des bureaux quasi vides, devant lesquels des manifestants conspuent les rares citoyens venus voter.
Mercredi, des personnalités proches du Hirak, dont l’avocat Mustapha Bouchachi ou les universitaires Nacer Djabi et Louisa Dris-Aït Hammadouche, ont averti du contexte de “vives tensions” dans lequel va se dérouler le scrutin, lançant un appel au calme.

Dans un texte, ils ont appelé les autorités “à renoncer aux discours provocateurs, à l’usage du langage de la menace et à cesser d’accuser de trahison tout citoyen porteur d’opinion contraire à celle du pouvoir”. Ils ont rendu ce dernier “responsable de tout dérapage éventuel dans les jours à venir”.
Ces personnalités ont aussi exhorté les contestataires à “demeurer pacifiques” en refusant de “répondre aux provocations” et en veillant à “ne pas empêcher l’exercice par d’autres citoyens de leur droit à s’exprimer librement”.

La campagne électorale a été compliquée pour les cinq candidats, qui ont été régulièrement chahutés par des manifestants hostiles et ont peiné à remplir les salles.
Le Hirak les accuse de cautionner le “système” en se présentant, et dénonce leur passé au sein de l’appareil Bouteflika. “Comment faire confiance à ceux qui ont trahi le pays et aidé Bouteflika?”, résumait mercredi sur une pancarte une manifestante à Alger.
Pilier du régime, historiquement habitué aux coulisses, le haut commandement de l’armée assume ouvertement le pouvoir depuis la démission d’Abdelaziz Bouteflika.
Après une première tentative d’élection avortée en juillet, il s’obstine à vouloir rapidement lui élire un successeur, afin de sortir de l’actuelle crise politico-institutionnelle, qui a aggravé une situation économique déjà compliquée.
Le général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major et visage public de ce haut commandement, “ne veut pas être tenu responsable des perspectives économiques de plus en plus négatives”, estime Anthony Skinner, directeur Moyen-Orient et Afrique du Nord de la société d’analyses de risques Verisk Maplecroft.
Il “préfère de loin avoir un président élu, qui se retrouvera directement dans la ligne de mire (de la contestation) et aura la tâche peu enviable de réformer l’économie” du plus vaste pays du continent africain, fort de plus de 40 millions d’habitants, dit-il.
L’absence de légitimité du futur président, qui succèdera officiellement au chef de l’État par intérim Abdelkader Bensalah, est déjà donnée pour sûre par les observateurs. Ils prévoient une poursuite de la contestation.

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