Les forces armées irakiennes ont ouvert le feu et tué de manifestants

Le centre de Bagdad a pris samedi des allures d’un champ de bataille avec des tirs intenses des forces antiémeutes contre la foule de manifestants antigouvernementaux, après un accord au plus haut niveau politique pour en finir avec la contestation « par tous les moyens ».
Trois manifestants ont été tués – deux par balles et un troisième atteint au visage par une grenade lacrymogène – aux abords de la place Tahrir, épicentre de la contestation. Les forces de sécurité ont aussi chassé les protestataires de trois ponts proches de la fameuse place, où ils campaient jour et nuit.
Trois autres manifestants ont également péri à Bassora, dans une dispersion à balles réelles par les forces de sécurité qui ont chassé de plusieurs campements les protestataires dans cette cité et dans d’autres villes du sud du pays.

Déclenché le 1er octobre, la contestation réclame le départ de l’ensemble de la classe politique inchangée depuis des années et jugée corrompue et incompétente. Un mouvement de désobéissance civile bloque depuis plusieurs jours écoles, administrations et infrastructures.
L’intervention plus musclée des forces de sécurité survient à la suite d’un accord des principales forces politiques qui prévoit de mettre fin aux protestations, y compris par la force, le maintien du pouvoir en place et un « retour à la vie normale ». Cet accord fait craindre davantage de violences.
En fin d’après-midi sur la place Tahrir, une médecin a affirmé que « les forces de sécurité se rapprochent ». « Nous entendons les tirs à balles réelles. » Dans les rues commerçantes du centre de la capitale, transformées en champ de bataille, les manifestants s’époumonent : « Ils tirent à balles réelles ! »

« Les forces de sécurité nous disent : c’est fini les manifestations, demain tout le monde retourne au travail, mais on a monté des barricades pour qu’elles n’entrent pas à Tahrir, demain personne n’ira au travail », lance un manifestant au milieu des tirs.

À Bassora, les forces de sécurité ont arrêté tous ceux qui tentaient de sortir dans les rues de la ville pétrolière, selon des témoins. Conspué par les manifestants et un temps sur la sellette, le Premier ministre Adel Abdel Mahdi fait désormais consensus parmi partis et hommes politiques. Ceux qui avaient un temps poussé pour son départ, en tête desquels le versatile leader chiite Moqtada Sadr, ont fait volte-face notamment sous la pression de l’Iran voisin et de ses alliés à Bagdad.

Le président Barham Saleh et le Premier ministre, qui avaient cessé de se parler selon des responsables, se sont même montrés ensemble samedi. Après plusieurs réunions ces derniers jours, les principales forces politiques se sont mises d’accord pour des réformes – bien loin des espoirs des manifestants qui veulent une nouvelle Constitution. Mais, surtout, elles ont convenu d’en finir avec la contestation, inédite par son caractère spontané, ont indiqué deux hauts responsables sous couvert d’anonymat.

À la suite d’appels sur les réseaux sociaux, les Irakiens ont manifesté du 1er au 6 octobre pour réclamer « la chute du régime ». Le mouvement a été ensuite suspendu jusqu’au 24 octobre, le temps d’un important pèlerinage chiite. Près de 300 personnes, en majorité des manifestants, ont été tuées et plus de 12 000 blessées.

Pour les centaines de manifestants sur Tahrir, la coupure d’internet depuis le début de la semaine fait aussi redouter le pire. La première semaine d’octobre, dans un pays coupé du monde, 157 personnes sont mortes alors que des snipers déployés sur les toits semaient la terreur.
Plus d’un mois plus tard – et près de 140 morts de plus -, l’Etat a reconnu un usage « excessif » de la force par ses hommes mais assure ne toujours pas pouvoir identifier ces tireurs.

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