Libye: L’alliance de Dbeibah avec les milices ravive les craintes d’une reprise des combats

La tentative d’entrée du Premier ministre désigné Fathi Bachagha dans la capitale libyenne, Tripoli, a révélé l’ampleur de la fracture subie par l’ouest de la Libye en général et les milices armées de Tripoli en particulier, ce qui fait craindre une reprise des combats dans la capitale, après deux années de calme relatif.

La Libye est en proie à des tensions politiques récurrentes et gravissimes, auxquelles il est pratiquement impossible de trouver des solutions ; tant elles divisent en profondeur le pays. A titre d’illustration, l’on peut citer la sempiternelle tension qui oppose l’Est du pays, tenu de main de fer par le Maréchal Khalifa Haftar, aux puissantes milices de Misrata qui soutiennent le gouvernement installé à Tripoli.

Pendant que les cendres de cette tension sont encore chaudes, voilà qu’une autre tension est en train de s’installer en Libye. Cette fois-ci, elle oppose le Premier ministre Bachagha qui a été désigné par le parlement de Tobrouk, au Premier ministre sortant, Abdel Hamid Dbeibah, qui refuse de quitter le pouvoir. En rappel, le mandat de ce dernier devait prendre fin le 24 décembre dernier avec l’organisation des élections générales.

Ce rendez-vous raté, Dbeibah s’est accroché à son poste et n’entend pas le quitter avant la tenue du scrutin. Cette posture a fait monter la moutarde au nez de son rival Bachagha. Conséquence : ce dernier a décidé de marcher sur Tripoli dans les meilleurs délais pour en déloger “l’usurpateur” et prendre les rênes de l’Exécutif. Le PM Bachagha, qui s’est donné quelques jours pour prendre le pouvoir, dispose, peut-on dire, d’énormes atouts. Le premier est la légitimité et la légalité que lui ont conférées le parlement. L’on peut ajouter à cela, le fait que le gouvernement qu’il a formé, a été approuvé par la même structure par 92 voix sur les 101 députés présents le jour du vote.

Le deuxième gros atout que peut faire valoir Bachagha, est son passé récent de tout-puissant ministre de l’Intérieur et ses actuelles accointances avec l’homme fort de l’Est libyen, le Maréchal Khalifa Haftar. Son dernier atout est d’ordre diplomatique. En effet, l’Egypte du Maréchal Al Sissi et le Roi Ben Salmane de l’Arabie Saoudite, soutiennent fermement le choix du parlement libyen. Les deux personnalités, qui sont loin de compter pour du beurre dans la sphère arabe et dans le monde, avaient, dans un communiqué publié suite à une rencontre, appelé à soutenir Bachagha.

L’argument brandi est ceci : « Il revient au législatif en Libye, de donner la légalité à l’exécutif ». De ce qui précède, l’on peut logiquement dire que le PM Bachagha est adossé à du roc tant au plan endogène qu’au plan extérieur. Mais le camp d’en face a aussi des alliés qui sont susceptibles de contrarier sérieusement la volonté de Bachagha de s’imposer à Tripoli. Il y a d’abord le fait que le Premier ministre sortant, Abdel Hamid Dbeibah, bénéficie de la puissance de feu de la kyrielle de milices venues pour la plupart de Misrata et qui, depuis la chute de Kadhafi, en 2011, régentent l’Ouest de la Libye en général et Tripoli en particulier.

En outre, Dbeibah peut compter non seulement sur les mercenaires turcs qu’il paie à prix d’or pour sécuriser son fauteuil, mais aussi sur le soutien officiel de l’Etat de Turquie. Et tout le monde sait que ce partenaire n’est pas une puissance militaire négligeable. Bien au contraire, militairement, le pays d’Erdogan sait se faire respecter.

Dabaiba s’appuyait sur deux idées fondamentales : la première était de satisfaire la soif d’argent et d’influence des chefs de guerre et des milices, et de conclure des alliances avec eux en violation de ses promesses précédentes selon lesquelles son gouvernement serait un gouvernement d’unité nationale. Le mufti, qui représente la quintessence de la division qui s’opère dans le pays, monte certains Libyens contre d’autres, déclare la majorité infidèle pour servir l’agenda de la minorité, et joue le jeu de la fatwa pour servir ses convictions politiques au détriment de religion.

Au regard donc des forces en présence et qui se font dangereusement face, l’on peut objectivement se poser la question de savoir si la guerre de Tripoli aura lieu. Seules une négociation sérieuse et la bonne foi des deux parties, peuvent empêcher ce scénario- catastrophe de se réaliser, depuis 2011, ce pays est inscrit à l’article de la mort. Et la communauté internationale, qui n’est pas étrangère à cela, a l’occasion de se racheter en pesant de tout son poids, pour non seulement éviter une autre guerre civile à la Libye qui pourrait lui être fatale, mais aussi pour l’aider à réunir les ingrédients d’une élection transparente et apaisé.

par: Arab Observer

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