Le rôle discret de la Chine dans les négociations sur le nucléaire iranien

Alors que les négociations sur le nucléaire iranien ont atteint une phase délicate, la Chine, partenaire discrète de Téhéran, tente de se positionner comme un acteur clef. Et pour cause : elle a tout intérêt à une levée des sanctions américaines en Iran, pays avec lequel elle a scellé un accord de coopération historique.

Les discussions sur le nucléaire iranien entrent dans le dur. Les Iraniens ont planté le décor, vendredi 14 janvier, juste avant un week-end de consultations de leurs négociateurs à Téhéran, affirmant avoir atteint le “stade des détails, la partie la plus difficile des négociations”, d’après l’Irna, l’agence de presse officielle iranienne.

Les pourparlers entre le groupe P4+1 (Chine, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne), l’Union européenne, l’Iran et les États-Unis, présents de manière indirecte, ont donc repris lundi à Vienne, avec plus d’enjeu que jamais. Et pour aborder cette phase de négociations délicate, Téhéran peut compter sur la Chine. En coulisses, le négociateur chinois Wang Qun, plus discret que son homologue russe Mikhail Ulyanov friand de tweets et de déclarations à la presse, joue en effet un rôle clef.

Dans les médias chinois, le diplomate au nœud papillon a plusieurs fois souligné le rôle “unique et constructif” de la Chine dans ces pourparlers et son travail avec toutes les parties pour encourager la reprise du processus de négociation entre les Américains et les Iraniens – et ce, au plus vite.

Ainsi, mettant de côté les tensions avec Washington sur les rivalités commerciales, ou encore les désaccords sur Taïwan et la mer de Chine, Wang Qun a négocié pendant des heures avec l’envoyé spécial américain pour l’Iran, Robert Malley, à Vienne, œuvrant à sauver l’accord sur le nucléaire de 2015.

“Les Chinois ont tout intérêt à ce que l’accord soit signé au plus vite pour assurer la diversification de leur approvisionnement en pétrole, mais aussi parce que l’Iran est un partenaire géopolitique”, explique à France 24 Jean-François Di Meglio, spécialiste de la Chine et président d’Asia Centre.

“Les Chinois avaient déjà joué un rôle important lors des négociations ayant abouti à l’accord de 2015”, se souvient par ailleurs Thierry Coville, spécialiste de l’Iran, contacté par France 24. C’est ce qu’a révélé l’ancien chef de la diplomatie iranienne de l’époque, Mohammad Javad Zarif, dans un ouvrage publié juste avant de passer la main au gouvernement de l’ultraconservateur Ebrahim Raïssi, en août 2021. Dans ce long récit présentant les coulisses des deux années de négociations ayant abouti à l’accord de 2015, Mohammad Javad Zarif écrit que chaque fois que celles-ci se trouvaient dans l’impasse, le ministre chinois des Affaires étrangères intervenait, présentait une initiative nouvelle et parvenait à relancer les pourparlers.

Mais depuis quelques mois, les relations entre Pékin et Téhéran ont franchi une nouvelle étape avec la signature d’un partenariat historique de 25 ans couvrant des domaines aussi variés que l’énergie, la sécurité, les infrastructures et les communications. Outre la livraison de pétrole à prix réduit, cet accord stratégique, dont la mise en œuvre a débuté le 15 janvier, prévoit aussi l’assistance sécuritaire de la Chine à l’Iran, notamment par le biais de livraisons de matériel militaire. “La Chine a signé très peu de partenariats de ce type. Il s’agit là d’une véritable alliance diplomatique”, précise Jean-François Di Meglio.

Pour Pékin, qui continue d’importer du pétrole iranien malgré le risque de se voir infliger des amendes par le Trésor américain, une levée des sanctions de Washington sur les échanges commerciaux avec l’Iran constituerait une aubaine. Avant le retrait américain de l’accord en 2018, la Chine importait près de 10 % de son pétrole depuis l’Iran et avait investi dans des infrastructures permettant d’acheter des volumes plus conséquents. Selon Jean-François Di Meglio, “les Chinois sont très intéressés par le brut iranien parce que leurs raffineries sont adaptées au traitement de ce pétrole lourd qui sert de fuel pour approvisionner leurs centrales électriques, leur chauffage ou pour faire rouler leurs camions”.

Outre l’aspect financier, le rapprochement avec l’Iran permet à la Chine de contrebalancer les actions américaines et d’affirmer sa montée en puissance diplomatique dans la région, indique Jean-François Di Meglio : “Le Moyen-Orient n’était pas un élément majeur de la diplomatie chinoise. Mais cela a changé depuis cinq ans avec le tournant irakien. Après la guerre, la Chine a saisi l’opportunité de reprendre l’exploitation de champs de pétrole irakiens, qu’elle est en train de remettre en état.”

À l’ONU, Pékin pèse aussi de tout son vote sur les décisions de la région. D’abord en ce qui concerne l’Iran, mais aussi sur la Syrie, pour laquelle elle s’aligne quasi systémiquement sur les positions russes favorables à Bachar al-Assad.

À Pékin aussi, depuis quelques semaines, la diplomatie chinoise fonctionne à plein régime. Entre le 10 et le 14 janvier, le ministre des Affaires étrangères Wang Yi a reçu pas moins de cinq de ses homologues dans la région. Les chefs de la diplomatie de l’Arabie saoudite, du Koweït, d’Oman, du Bahreïn et de l’Iran, mais aussi le ministre turc des Affaires étrangères et le secrétaire général du Conseil de coopération du Golfe (CCG), ont défilé tour à tour dans la capitale chinoise.

Et ces visites ne sont pas sans lien avec la phase finale des négociations sur le nucléaire iranien puisqu’elles permettent de rassurer les pays du Golfe sur le dossier, tout en réaffirmant les alliances économiques. L’occasion également pour la Chine de montrer à Washington qu’elle joue désormais un rôle clef dans une région où les Américains sont en perte d’influence.

 parBahar MAKOOI

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