La crise économique place Erdogan dans une confrontation électorale difficile

Le président turc Recep Tayyip Erdogan affronte, le 14 mai, l’élection la plus incertaine depuis son arrivée au pouvoir, confronté pour la première fois en 20 ans à une opposition unie dans un pays en crise économique.

Erdogan sera confronté à son plus grand défi politique lors des élections qui se tiendront ce mois-ci, l’opposition estimant qu’il s’agit là de sa meilleure chance de mettre fin à deux décennies de pouvoir et de renverser ses politiques.

À 69 ans, Recep Tayyip Erdogan est déterminé à se maintenir cinq ans de plus à la tête de son pays de 85 millions d’habitants, qu’il a transformé profondément, bien qu’aujourd’hui rongé par la crise économique, alors que l’inflation a dépassé les 85 % en octobre.

Mais il doit faire face à lui à trois prétendants, avec un véritable adversaire : Kemal Kiliçdaroglu, 74 ans, candidat d’une alliance de six partis d’opposition qui va de la droite nationaliste à la gauche démocrate, et qui est dominée par le CHP (social-démocrate) fondé par le père de la Turquie moderne, Mustafa Kemal Atatürk. « Kemal », comme il se présente sur ses affiches, a reçu en outre le soutien inédit du parti prokurde HDP, troisième force politique du pays.

Les 64 millions d’électeurs, dont 3,4 millions votent déjà à l’étranger jusqu’à mardi, renouvelleront simultanément leur parlement. Les sondages – désormais interdits jusqu’au scrutin – prédisent une présidentielle serrée, que les deux camps affirment pouvoir remporter au premier tour, faute de quoi un deuxième tour sera organisé le 28 mai.

Quelle résonance chez les 5,2 millions de jeunes qui se rendront aux urnes pour la première fois ? Ils n’ont connu que M. Erdogan et sa dérive autocratique depuis les grandes manifestations de 2013.

Entre l’AKP islamo-conservateur de M. Erdogan et le CHP, laïque par essence, de M. Kiliçdaroglu, la Turquie choisira dimanche entre une pratique de plus en plus autocratique du pouvoir – 16.753 inculpations en 2022 pour « insulte au président », selon les statistiques du ministère de la Justice, teintée de religiosité et de bigoterie – et la promesse d’un virage démocratique et du retour à une relation « apaisée » avec le pays et le reste du monde.

Dans un pays en proie à une grave crise économique et de confiance, que les jeunes diplômés, ingénieurs, médecins, cherchent à quitter, l’omniprésent Recep Tayyip Erdogan bataille âprement pour sauver son héritage et peut compter sur quelque 30 % d’irréductibles.

Le camp du « Reis » manie promesses de campagne chiffrées (retraites, logements, factures d’énergie) et invectives, accuse ses rivaux de collusion avec les « terroristes » du PKK, le parti des travailleurs du Kurdistan, vilipende leurs liens avec l’Occident et ses « complots », et les présente comme des « pro-LGBT » – une obsession – qui veulent « détruire la famille ».

Les détracteurs d’Erdogan affirment que son gouvernement a muselé la dissidence, érodé les droits et mis le système judiciaire sous son emprise, une accusation démentie par les responsables qui affirment qu’il a protégé les citoyens face à des menaces de sécurité uniques, y compris une tentative de coup d’État en 2016.

Les économistes affirment que les appels d’Erdogan en faveur de taux d’intérêt bas ont fait grimper l’inflation à un niveau record de 85 % en 24 ans l’année dernière, et que la lire s’est effondrée à un dixième de sa valeur par rapport au dollar au cours de la dernière décennie.

Sous la direction d’Erdogan, la Turquie a renforcé sa puissance militaire au Moyen-Orient et au-delà, en lançant quatre incursions en Syrie, en menant une offensive contre les militants kurdes en Irak et en envoyant un soutien militaire à la Libye et à l’Azerbaïdjan.

La Turquie a également connu une série d’affrontements diplomatiques avec les puissances régionales que sont l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis et Israël, ainsi qu’un bras de fer avec la Grèce et Chypre au sujet des frontières maritimes de la Méditerranée orientale, jusqu’à ce qu’elle change de cap il y a deux ans et cherche à se rapprocher de certains de ses rivaux.

Les derniers sondages montrent que Kilicdaroglu devance Erdogan, dont la popularité a été affectée par une crise du coût de la vie causée par une inflation galopante. Selon les analystes, le visage uni présenté par l’opposition a renforcé ses chances.

par: Arab Observer

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