La Russie tente de rapprocher la Turquie et la Syrie

C’est une étape marquante dans le rapprochement turco-syrien que la Russie promeut en sous-main depuis plusieurs années, et que le président turc Recep Tayyip Erdogan appelle publiquement de ses vœux depuis l’été dernier. Les ministres turc et syrien de la Défense, Hulusi Akar et Ali Mahmoud Abbas, se sont entretenus mercredi lors d’une réunion à Moscou avec leur homologue russe, Sergueï Choïgou.

De source officielle turque, les discussions ont porté sur « la crise en Syrie, la question des réfugiés et les efforts dans la lutte conjointe contre tous les groupes terroristes se trouvant sur le territoire syrien ». Le ministère turc de la Défense a salué des échanges « constructifs », ajoutant que les parties étaient convenues de « poursuivre les rencontres trilatérales pour assurer la stabilité en Syrie et dans toute la région ».

La réconciliation entre la Turquie de Tayyip Erdogan et la Syrie de Bachar el-Assad semble donc en bonne voie. Pour prendre la mesure de ce qu’elle représente, il faut se souvenir de la rupture nette et précoce, dès août 2011, des relations turco-syriennes, puis des moyens colossaux (notamment le soutien militaire et financier aux factions syriennes d’opposition armées) mis en œuvre par l’actuel président turc pour faire tomber son ancien « ami Bachar ». Recep Tayyip Erdogan misait, à tort, sur son renversement rapide et l’accès au pouvoir des Frères musulmans.

Il s’agissait de la première rencontre officielle à ce niveau entre Ankara et Damas depuis le début de la guerre en Syrie en 2011. Les chefs du renseignement des trois pays ont aussi échangé au cours de la visite.

Longtemps fermement opposé à l’idée de renouer avec « le meurtrier Assad », ainsi qu’il l’a désigné pendant dix ans, le chef de l’Etat turc a récemment changé de ton. En août, il disait vouloir « franchir de nouvelles étapes » avec le pouvoir syrien. Le mois dernier, il jugeait « possible » une rencontre avec le même Bachar el-Assad, expliquant qu’il « n’y a pas de place pour le ressentiment en politique ».

Le président turc ambitionne de créer à la frontière turco-syrienne une « zone tampon » pour y renvoyer une partie des 3,6 millions de Syriens réfugiés sur son territoire, dont la présence est de plus en plus impopulaire au sein de la société turque.

Tayyip Erdogan ne cesse par ailleurs de promettre le lancement d’une nouvelle offensive terrestre contre les forces kurdes des YPG (Unités de protection du peuple) dans le nord de la Syrie, en espérant obtenir l’aval sinon de Damas, du moins de Moscou. La semaine dernière, le ministre turc Hulusi Akar avait d’ailleurs indiqué qu’Ankara était en contact avec Moscou pour obtenir « l’ouverture de l’espace aérien » syrien aux avions de guerre turcs. Ankara voudrait amener le régime syrien à considérer les combattants kurdes comme un ennemi commun. C’est le sens de « la lutte conjointe contre tous les groupes terroristes » évoquée mercredi par le ministère turc de la Défense.

Quoi qu’il en soit, à moins de six mois d’élections au cours desquelles il jouera son avenir politique, Recep Tayyip Erdogan semble considérer que son maintien au pouvoir et la mise en œuvre de ses objectifs en Syrie passent par un rétablissement des relations avec son voisin. Il cède aussi, en cela, aux pressions de la Russie, principal allié du régime syrien, qui joue depuis des années le rôle d’intermédiaire entre Ankara et Damas, tout en poussant à la tenue d’échanges directs.

C’est aussi ce que réclament, là encore depuis des années, les principaux partis de l’opposition turque, qui promettent de réparer les relations avec la Syrie en cas de victoire dans les urnes. Recep Tayyip Erdogan pourrait les devancer : il cherche à organiser un sommet avec el-Assad et Poutine avant le prochain scrutin. La rencontre ministérielle organisée mercredi à Moscou signale en tout cas que le président turc a décidé de mettre en œuvre une maxime qu’il énonçait en 2019 : « Vous ne pouvez jamais couper tous les fils, même avec votre ennemi. Un jour, vous pourriez avoir besoin de ces fils ».

par: Arab Observer

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