Le procureur Mueller lâche une bombe sur le sommet Trump-Poutine





L’inculpation de douze officiers du renseignement militaire russe risque de compliquer les efforts de réconciliation avec le Kremlin.

Tandis que Donald Trump dénonce sans relâche l’enquête sur les interférences russes dans la présidentielle de 2016 comme «une chasse aux sorcières», le procureur spécial Robert Mueller avance inexorablement ses pions. Vendredi, il a inculpé douze officiers du renseignement militaire russe (GRU) de conspiration, piratage, vol et huit autres crimes contre les États-Unis. À trois jours d’un sommet entre le président américain et Vladimir Poutine, cela revient à incriminer politiquement le maître du Kremlin en personne.

Les douze officiers dont le rôle est exposé en détail dans un acte d’accusation de 29 pages relèvent hiérarchiquement du chef de l’État russe, lui-même ancien espion du KGB. Donald Trump, qui s’était jusqu’ici contenté de dénégations pour la forme, va se retrouver sur la défensive devant l’opinion américaine lors de son rendez-vous avec Poutine lundi à Helsinki. Vendredi, il était à Windsor chez la reine Elizabeth au moment où Rod Rosenstein, l’Attorney General adjoint, a annoncé les nouvelles inculpations, précisant avoir préalablement «briefé» le président. Cela n’a pas empêché ce dernier, lors de sa conférence de presse avec Theresa May, de dénigrer à nouveau la «chasse aux sorcières», tout en promettant de «poser fermement la question» du piratage des élections à son homologue russe. « Et j’espère que nous aurons une très bonne relation avec la Russie! », a-t-il conclu.

À Washington, les démocrates l’ont aussitôt appelé à annuler le sommet avec Poutine. La Maison-Blanche s’est contentée de se dédouaner: «Il n’y a aucune allégation que des Américains aient su qu’ils correspondaient avec des Russes (ou) aient commis un crime, aucune allégation que cette conspiration ait affecté le résultat des élections. Ces accusations ne montrent aucune implication en connaissance de cause de quiconque faisant partie de la campagne.» Le document évoque des contacts entre les pirates russes et un lobbyiste, un journaliste ainsi qu’une «personne en contact régulier avec des membres de la campagne de Donald Trump» aux États-Unis, mais aucun d’eux n’est poursuivi. «Le but des conspirateurs était d’avoir un impact sur l’élection», a déclaré Rosenstein. Mais cet impact «est matière à spéculation, ce qui n’est pas de notre responsabilité.»

Méthodique, Robert Mueller s’emploie avant toute chose à établir les crimes commis lors de la campagne électorale. S’il est par la suite en mesure de prouver une «collusion», celle-ci fera référence à des faits pour lesquels 32 personnes et entités ont déjà été inculpées, dont 26 Russes. L’ancien directeur de campagne de Trump, Paul Manafort, est en prison en Virginie dans l’attente de son procès pour des accusations de fraude et de blanchiment d’argent antérieures à son association avec le président. Michael Cohen, l’avocat personnel de Trump, est poursuivi séparément par le procureur de New York et serait prêt à trahir les secrets d’affaires de son ancien patron. Un ancien agent du FBI, Peter Strozk, a été cuisiné par le Sénat jeudi pendant dix heures sur des textos envoyés à sa maîtresse, dans lesquels il s’exprimait contre l’élection de Trump. Rudy Giuliani, à la tête de l’équipe de défense du président, estime que cela disqualifie toute l’enquête fédérale.

La chronologie détaillée des attaques menées par la Russie, exposée vendredi à un «grand jury» qui a prononcé les inculpations, éloigne au contraire cette perspective. Les auteurs du piratage informatique des instances du Parti démocrate et de la campagne d’Hillary Clinton ont désormais un nom et une adresse. Selon le FBI, dix d’entre eux appartiennent à «l’unité 26165» du GRU, chargée des cyberattaques, installée au 20 Komsomolskyi Prospekt à Moscou. Deux autres relèvent de «l’unité 74455» chargée de la propagande, sise au 22 rue Kirova, dans l’immeuble du GRU appelé «la Tour» à Khimki, Moscou. Leurs grades vont de colonel à capitaine en passant par major et lieutenant. Le FBI énumère leurs fonctions, les dates de leurs manipulations, les virus informatiques qu’ils ont implantés («X-agent»), les masques informatiques qu’ils ont utilisés (DCLeaks ou Guccifer 2.0).

Une telle conspiration n’aurait pu voir le jour sans l’accord du Kremlin. La présidence russe dénonce une manipulation destinée à «gâcher» le sommet de lundi. Donald Trump, allergique à tout ce qui peut entacher sa victoire, n’est pas loin de penser la même chose. En donnera-t-il quitus à Vladimir Poutine avec une tape sur l’épaule?


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