Crise des réfugiés ukrainiens Montre le racisme dans les pays européens

La question des réfugiés ukrainiens a suscité une grande sympathie dans les sociétés européennes, plusieurs déclarations ont récemment opposé réfugiés ukrainiens et réfugiés syriens, afghans, moyen-orientaux. À l’heure où l’Europe se mobilise pour accueillir celles et ceux qui fuient l’invasion russe, des critiques dénoncent un traitement médiatique et politique à deux vitesses.

La place accordée à la guerre en Ukraine et à l’afflux de réfugiés, en comparaison avec les conflits dans d’autres pays du monde, a aussi été critiquée. Bien sûr, les médias européens se sentent davantage concernés par une invasion qui touche directement le territoire du continent.

« On ne parle pas là de Syriens qui fuient les bombardements du régime (…). On parle d’Européens qui partent dans leurs voitures qui ressemblent à nos voitures, et qui essayent juste de sauver leur vie ».

Comme cette déclaration d’un journaliste sur BFMTV le jeudi 24 février, plusieurs comparaisons politique ou médiatique entre le sort des réfugiés ukrainiens et celui de ceux venant d’autres parties du monde, en particulier du Moyen-Orient, font débat depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine.

Certains évoquent ainsi l’émotion de voir des « Européens aux cheveux blonds et aux yeux bleus » se faire tuer (un officiel ukrainien sur la BBC), d’autres une « immigration de grande qualité, dont on pourra tirer profit » (le président de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale sur Europe 1), ou encore une « ville relativement civilisée, relativement européenne » (un correspondant sur CBS).

Par ailleurs, une couverture médiatique biaisée participe selon les chercheurs à nourrir un discours politique similaire. Par exemple, Sarah Schneider-Strawczynski a étudié la manière dont parler de migrations à la télévision polarise les attitudes des téléspectateurs. Selon elle, ce genre de discours pourrait aujourd’hui avoir le même effet.

Les mêmes pays qui ont longtemps refusé d’accueillir des réfugiés ouvrent leurs frontières aux Ukrainiens.

Cette critique adressée aux médias rejoint celle qui concerne le paysage politique. Des trains gratuits de la SNCF à l’activation possible de la directive de « protection temporaire » à l’échelle européenne, des observateurs ou acteurs du secteur de l’aide aux réfugiés expriment une certaine amertume face à une « solidarité à géométrie variable ».

Sans compter les déclarations racistes de certains responsables politiques, comme le premier ministre bulgare qui a affirmé : « Ce sont pas les réfugiés auxquels nous sommes habitués(…) Ces gens sont des Européens. Ils sont intelligents, ils sont éduqués ».

En réponse, Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de la Cimade, appelle par exemple la SNCF à étendre la gratuité des trains à tous les demandeurs d’asile ou réfugiés. Une demande de longue date pour l’association de soutien aux exilés.

« On ne peut pas affirmer qu’on va aider les Ukrainiens tout en déchirant les tentes des migrants de Calais. C’est clair qu’il y a une incohérence », reproche-t-elle, tout en dénonçant « les débats inacceptables entre bons et mauvais réfugiés ».

C’est étonnant que, mystérieusement, on puisse trouver des places très rapidement (pour les réfugiés ukrainiens), alors qu’on entend d’habitude en audience qu’il n’y en a plus.

« Nous assistons à une situation où les mêmes pays qui ont longtemps refusé d’accueillir des réfugiés ouvrent leurs frontières aux Ukrainiens. Bien que je sois très heureuse de voir cet accueil pour les Ukrainiens, il y a lieu de s’inquiéter qu’il ne soit pas offert à d’autres personnes qui ont également besoin d’un refuge, mais qui sont criminalisés et diabolisés », dénonce la sociologue à l’université de Boston. À cela s’ajoute la discrimination aux frontières parmi les populations mêmes qui fuient l’Ukraine actuellement.

Malgré cet enthousiasme initial et ce mouvement solidaire, beaucoup restent toutefois prudents quant à la réalité des politiques d’accueil qui vont suivre sur le long terme. L’arrivée dans un pays ne signifie en effet pas une intégration facile. On rappelle que les immigrés d’Europe de l’Est subissent par exemple des discriminations sur le marché du travail dans certains pays occidentaux.

Comme pour les Syriens au milieu des années 2010, dans les pays d’asile, « la solidarité se transforme en frustration, qui se transforme en rejet et en marginalisation ».

Ce potentiel mouvement migratoire intra-européen, inédit depuis la guerre dans les Balkans dans les années 1990, pose selon la sociologue de nouvelles questions. « Les Ukrainiens entrent dans un monde où nos systèmes de refuge sont structurés en partant du principe que la personne demandant l’asile sera noire, arabe, originaire d’Afrique ou d’Asie. Et il s’agit de savoir à présent si les systèmes européens vont évoluer pour s’adapter, si cette évolution va se répercuter sur d’autres personnes, ou si les Ukrainiens, eux aussi, vont être déçus face à un systèmueille.»

par: Arab Observer

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