Turquie : libération conditionnelle pour le président d’Amnesty international





Un tribunal turc a ordonné mercredi la remise en liberté conditionnelle du président d’Amnesty international en Turquie, détenu depuis juin 2017, dans le cadre d’un procès qui suscite des préoccupations pour le respect des droits de l’Homme en Turquie et des critiques en Europe.

L’annonce du tribunal a été accueillie par un tonnerre d’applaudissements, et les proches de Taner Kiliç ainsi que les personnes venues le soutenir célébraient la nouvelle, en pleurant et s’embrassant, selon une journaliste de l’AFP sur place.

Amnesty s’est réjouie de la nouvelle, tout en soulignant le travail qu’il reste à faire pour obtenir son acquittement dans le cadre de ce procès. Son président en Turquie est accusé d’appartenir au mouvement du prédicateur Fethullah Gülen, désigné par Ankara comme le cerveau du putsch manqué de l’été 2016. M. Gülen, installé aux Etats-Unis, dément toute implication.

  1. Kiliç, qui comparaissait par visioconférence depuis Izmir (ouest) où il est détenu, est jugé avec dix autres militants des droits de l’Homme, dont la directrice d’Amnesty en Turquie, Idil Eser, un ressortissant allemand, Peter Steudtner, et un activiste suédois, Ali Gharavi, accusés d’avoir aidé trois “organisations terroristes” : le mouvement du prédicateur Gülen, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et un groupuscule d’extrême gauche appelé DHKP-C.

Les dix autres accusés, arrêtés pour la plupart en juillet alors qu’ils participaient à un séminaire près d’Istanbul, avaient été remis en liberté conditionnelle fin octobre.

Leur procès a été ajourné au 21 juin.*

“Nous sommes si heureux et surpris. (…) Nous pensions qu’il n’y aurait pas de libération conditionnelle”, s’est félicitée Özlem Dalkiran, de la Citizen’s Assembly, elle-même jugée dans ce procès et libérée en octobre. “J’espère que c’est un bon signe pour d’autres procès dans lesquels sont poursuivis des défenseurs des droits de l’Homme”*, ajoute-t-elle néanmoins, interrogée par l’AFP.

Ce procès a renforcé l’inquiétude quant à l’érosion des libertés en Turquie depuis la tentative de putsch, à la suite de laquelle 55 000 personnes ont été arrêtées, dont des journalistes critiques et des acteurs de la société civile.

Plusieurs capitales européennes avaient ainsi exprimé leur préoccupation face à ce procès, comme Londres ou Paris. De plus, l’interpellation du militant allemand Peter Steudtner avait fortement tendu les rapports entre Ankara et Berlin, qui n’a de cesse de dénoncer les arrestations massives opérées depuis le putsch manqué.

“C’est un énorme soulagement de savoir que Taner sera bientôt de retour auprès de sa femme et ses filles”, a déclaré Gauri van Gulik, directrice du programme Europe à Amnesty International dans un communiqué. “Aujourd’hui nous prenons un bref moment pour célébrer mais demain nous continuerons notre combat pour la relaxe de Taner, des (dix autres militants des droits de l’Homme) et de toutes les victimes innocentes prises à tort dans cette répression brutale”, a-t-elle ajouté.

  1. Kiliç est notamment accusé d’avoir utilisé l’application de messagerie cryptée ByLock, qu’Ankara considère comme le moyen de communication privilégié des putschistes et qui sert d’élément à charge dans plusieurs procès liés au coup d’Etat manqué. Il a toujours démenti avoir téléchargé cette application, et Amnesty affirme avoir présenté à la justice plusieurs expertises démontrant qu’il n’y avait aucune trace de ByLock sur son téléphone.

En juillet dernier, le président turc Recep Tayyip Erdogan avait publiquement accusé les militants arrêtés d’activités s’inscrivant “dans la continuité du (putsch du) 15 juillet”.

Andrew Gardner, chercheur spécialiste de la Turquie à Amnesty, avait expliqué à l’AFP avant le début de l’audience mercredi, que l’environnement en matière de droits de l’Homme en Turquie “est aussi mauvais, voir pire qu’avant”, le cas de Taner Kiliç n’étant “pas unique”. “L’environnement global est très négatif, et dans ces affaires, il est très difficile de croire qu’on procès équitable sera respecté”, estimait-il, ajoutant que les défenseurs des droits de l’Homme continuent d’être poursuivis en justice à travers tout le pays.


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